lundi 6 octobre 2014


 La corruption, ça suffit ! Mediapart vous invite à un grand débat le 19 octobre

Questions  au panel d’intervenants.


 La Boétie nous présente la corruption  comme le ressort et le secret de la domination:
J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. … Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins… Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par luipour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les bénéficiaires de ses rapines. Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. » 
L’auteur de La Servitude Volontaire compte par six, par 6 X 600 X 6000  et précise l’ordre de grandeur  du résultat : « des millions » (21.600.000) – soit  la population de la France à l’époque ;  il montre ainsi que nous sommes tous impliqués dans un ordre hiérarchique corrompu.
Plutôt que d’être, par facilité, imputable à la « nature  humaine », la corruption n’est-elle pas une nécessité des systèmes sociaux  hiérarchique ?  De fait, pour grimper dans la société ne faut-il pas montrer toutes les qualités supposées aux élèves des grandes écoles ? Ce n’est pas donné à tout le monde. Dès lors, pour les moins doués selon les normes officielles, l’ascension par la corruption, ne s’offre-t-elle, à  tous les étages de l’organisation sociale, comme dispositif d’égalisation des chances d’améliorer sa position ? Bien entendu, cette dualité est également efficace lorsqu’il s’agit d’atteindre les sommets de l’énarchie. Le système des normes morales explicites nécessite partout leurs usages inversés. Plutot que d'être une succession de  ratage sociaux,  la corruption n'est-elle pas la forme duale des sociétes actuelles ?
Notre intérêt pour les « affaires à la Une » et notre  bienveillance  à excuser,  comme nécessité de survie, la corruption "chez les petits", ne préservent-ils pas le ressort secret de l’organisation hiérarchique? Ne  compensons nous pas  le déplaisir à obéir en nous arrangeant, par n’importe quels moyens, pour être en position de  donner des ordres par en dessous ? Ne pourrions-nous  construire des dispositifs sociaux  permettant de régler, par des moyens plus subtils, la délicate balance entre les circuits du plaisir et du déplaisir? Prendre ainsi la corruption à bras le corps, n'est ce pas inconsciemment et à l'insu de notre plein gré maintenir, vaille que vaille, le principe de domination hiérarchique?

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"Nous vivons dans une société dont l'organisation est hiérarchique, que ce soit dans le travail, la production, l'entreprise; ou dans l'administration, la politique, l'État; ou encore dans l'éducation et la recherche scientifique. ... dans la société moderne, le système hiérarchique (ou , ce qui revient à peu près au même, bureaucratique) est devenu pratiquement universel. Dès qu'il y a une activité collective quelconque, elle est organisée d'après le principe hiérarchique, et la hiérarchie du commandement et du pouvoir coïncide de plus en plus avec la hiérarchie des salaires et des revenus de sorte que les gens n'arrivent presque plus à s'imaginer qu’il pourrait en être autrement, et qu'ils pour raient eux-mêmes être quelque chose de défini autrement que par leur place dans la pyramide hiérarchique les défenseurs du système actuel essaient de le justifier"
 Cornélius Castoriadis,  Autogestion et hiérarchie

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lundi 4 août 2014

Espirito Santo, ... et la Commission européenne n'a rien vu venir ...

Les phases de crises financières ne sont-elles pas l’occasion, pour les plus malins des plus doués des banquiers , de sauver, en douce, les billes de leurs meilleurs clients  ? Visiblement, l’opacité bancaire est entretenue avec un soin lucide. N’est-ce pas, comme au jeu des chaises musicales; lorsque la ronde des joueurs s’arrête, pour trouver  la chaise où s’asseoir, il faut bien qu’ils s’en retrouvent par terre ? Et ceci amène une autre réflexion.

En effet, la dynamique propre de la concentration du capital par l’intérêt composé, n’est-t-elle pas, et dans un même ordre de nécessité, dans l’obligation d’organiser le jeu de telle façon que les moins bons joueurs perdent la partie, puisque, à parier sur  des reconnaissances de dette (P. jorion), il y aura toujours des perdants ? Ne croyons-nous pas que les mieux placés pour faire tourner le manège, savent très bien quand s’arrêtera le moulin, puisqu'ils le font tourner ?

 Alors voilà, qu’est venue faire Goldman Sachs dans Espirito  Santo ? En deçà du naufrage apparent, quelles sont les traces du sauvetage des avoirs de la galaxie familiale Espirito Santo ?  L’arrestation du patriarche Ricardo Salgado a quelque chose de pathétique, imaginez  qu’il travaillait tard la nuit, seul dans ses bureaux, à l’abri des regards … L’ "Esprit saint" de nos « démocratie" kleptocratiques" ne repose-t-il pas sur la corruption de segments entiers de l’économie, de la politique , de la justice, de la police, chacun appuyés sur des strates sociales « subalternes » mais tout autant clientes des brébendes qui percolent de ce climat de déviance?  Pour qui la Commission européenne est-elle aveugle ?

Selon Jean-Louis Legalery  ,  Isabel  Dos Santos, fille du Président de l’Angola, aurait gardé de son père, des ambivalences mafieuses, toujours est-il que Isabel est actionnaire à 20% de la  Banco Espírito Santo Angola (BESA) dont la Banco Espírito Santo (BES ) est actionnaire à 80% :  la Commission européenne ne voit rien venir…
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infographie (http://www.cabinda.net/List_Henchmen_MPLA_Angola.htm



voir égalment: Ludovic Lamant :  A genoux, le Portugal ferme les yeux sur l'«argent sale» venu d'Angola
(ci-dessous, extraits de l’article entier de Ludovic Lamant)
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José Manuel Barroso et José Eduardo dos Santos à Luanda, le 19 avril 2012 © CE.

Si la gêne domine à Lisbonne, d'autres institutions brillent aussi par leur absence. Sur ce dossier, l'Europe est muette. Marcolino Moco, un ancien premier ministre angolais (1992-1996), devenu l'un des plus féroces adversaires de Dos Santos, s'est récemment interrogé sur les silences de l'Union européenne : « Pour préserver ses intérêts économiques avec l'Angola, l'Europe ferme les yeux sur toutes ces malversations. »
Pour l'eurodéputée socialiste Ana Gomes, l'Europe serait même complice de cette opération : « L'austérité et les programmes de privatisation exigés à Lisbonne par l'Europe ont eu pour effet d'aggraver la dépendance du Portugal envers l'Angola. Non seulement l'Europe ne dit rien, mais elle pousse encore plus dans cette direction ! »
...
Ce n'est en tout cas pas du côté de la commission européenne qu'il faudra attendre une réaction, d'ici les élections européennes de l'an prochain. Son patron depuis 2004, José Manuel Barroso, fut l'un des premiers ministres portugais les plus proches du régime de Dos Santos. En 2003, il s'était rendu à Luanda avec dix de ses ministres. En tant que président de la commission, il a effectué une visite de deux jours en Angola, en avril 2012, pour renforcer la coopération de l'UE avec Luanda.

samedi 21 juin 2014


Un sujet délicat, pour ouvrir la discussion ...




( Réflexion publiée initialement dans le fil de la discussion ouverte par  Blog de Paul-Jorion a propos du billet : Rendement énergétique: nous sommes dans le déni!, par Stephane Feuten.


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Si solution il y a  ce sera  dans les manières de nous faire plaisir, intelligemment. Compte tenu de ce qu’il faut 7 protéines  végétales pour faire 1 protéine animale, nous devons devenir végétariens, ce qui impose que nous devenions des artistes en épices.  À  chacun son  ras el annout. Dans cette perspective,  le développement des jardins, non pas pour cultiver des patates, mais des plantes et des arbustes aromatiques est l’avenir de la cuisine.  Le 1 /7 est une mathématique essentielle, compte tenu de ce que l’agriculture est en fait une industrie pétrolière, la permaculture,  non, mais elle est consommatrice de main d’œuvre non robotisable  (même si les robots peuvent y jouer un rôle) ;  pour l’Europe compte tenu de la densité de la population et de la concentration de la propriété des terres agricoles, la solution passe par l’invention d’un « nouveau commun agricole »,  c’est délicat.
En effet,  il convient de prendre  en  considération des petits agriculteurs endettés et au bord du suicide, il n’en reste pas moins qu’après quelques décennies de PAC, nous avons tous payé la concentration des terres agricoles. Pourtant, les agriculteurs, qui en ont bavé » pendant trois générations  se considèrent « comme légitimes propriétaires ». Il ne s’agit pas de les spolier , mais de  faire en sorte que la reconversion agricole nécessairement entraînée par la fin de l’oléocène, ne conduise pas à mettre les chômeurs au service des paysans propriétaires, avec la complicité des nomenklaturas  communales distribuant des prébendes  sous forme de poste de gestion du capital humain dans nos belles campagnes. "

mercredi 11 juin 2014

Attali civilise le Code civil.


Dans son dernier billet, Pour en finir avec le vieux capitalisme , Jacques Attali entreprend d’inscrire l’un des principes de  l’économie positive dans le droit français ; ce n’est pas sans importance, Attali commente et reformule l’article 1832 du Code civil concernant la définition des « associés » :    «  L’article 1832 dit qu’une « société » est instituée par des « associés », qui « conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». L’article 1833 dispose que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ». Des seuls associés. Et en fait, des seuls détenteurs du capital des entreprises »

Selon J. Attali l’article 1832 devrait  être reformulé ainsi : « Une société est constituée par des associés qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune leur capital ou leur travail, en vue de partager entre eux et avec les autres entités concernées (consommateurs, jeunes en formation, territoires, environnement, générations futures) le bénéfice qui pourra en résulter ». En outre Attali propose de préciser  « Toute société doit avoir un objet licite, être constituée et gérée par les associés, dans l’intérêt pluriel des associés et des autres entités concernées. Le droit de vote de chaque associé sera d’autant plus important qu’il apporte plus durablement son capital ou son travail à l’entreprise ».
 Sur le fond,  cette modification porte sur le sens de la propriété. En effet,  à la catégorie des  – associés  –, c’est-à-dire les personnes apportant « leurs biens et leur industrie »,   Attali ajoute la catégorie des   concernés  –  . Cette modification répond , en effet, aux caractéristiques de l’actionnariat moderne constitué, selon son heureuse expression, de « propriétaire de passage », tout comme elle prend  la mesure de l’impact écologique social et économique des entreprises sur l’ écosystème globalisé.  Attali précise qu’il n’a en cela rien de neuf, il ne s’agit d’inscrire dans le droit le main stream de la « corporate social responsabil ity  et du  social bizness , etc.  Selon Attali,  l’idée clef est que  par l’adjonction des  concernés ,  «  les conseils d’administration seraient tout autrement constitués ; ils auraient une toute autre mission ; et les décisions qu’ils prendraient seraient souvent tout autres. Encore faudrait-il aussi, dans le même sens, réformer les comités d’entreprise. » Attali propose donc une version actualisée de la participation gaullienne.
Curieusement, le rapport pour  une économie positive n’interroge ni l’échec des coopératives historiques ni celui du mouvement des nouvelles coopératives d’économie sociale  (Québec , Belgique etc.) dont l’expérience, déjà trentenaire , montre que  le déficit démocratique y est tout aussi profond que dans l’entreprise capitaliste, le public et les travailleurs y comptent pour du beurre .  De fait,  aussitôt que crées, les entreprises sociales et solidaires deviennent l’instrument de la pérennité d’une strate d’entrepreneurs et de gestionnaire ayant réussis  dans la branche de l’altruisme ; Attali n’est pas dupe, il sait déjà que l’économie positive sera dévoyée par certains dans un plus ou moins long terme, mais  il ne cherche pas à préciser  les moyens  de contrer cette la tendance. Il semblerait, à première vue, que l’encadrement juridique des entreprises par la reformulation de l’article 1832 soit une assise puissante ; elle impliquerait, par exemple, que les utilisateurs de Google aient juridiquement leur mot à dire  sur l’évolution du service, ou que les producteurs de gamme d’équipement électrique  ne soient pas libres de décider qu’il est temps de rendre une gamme d’interrupteurs obsolète, à seule fin de renouveler les ventes.
 Sur deux siècles et demi, la reféodalisation du monde par le pouvoir économique est aujourd’hui assez criante que pour inquiéter l’élite ; C. Lagarde ne dénonce-t-elle  pas  le trop d’inégalité et Warren Buffet ne demande-t-il pas demande à être davantage taxé. Dans ce climat d’inquiétude, les contributions personnelles rassemblées en fin du rapport Attali (pp. 175-203 reflètent cet enthousiasme  avec lequel  les Aiguillons et les Noailles jetèrent au panier l’ancien régime.  Certains diront la noblesse et l’élévation d’âme  attachée à cette vignette d’Épinal, d’autres, comme Serge Kropotkine analyseront les contre-rendu de séances pour dénoncer l’enfumage.  La manœuvre de  la Nuit du quatre août consistait à abandonner les droits féodaux sur la personne pour mieux assurer la reconduction des hiérarchies par le droit de propriété sur les choses. En distinguant entre « associés » inscrit dans le droit les termes d’une hiérarchie qui n’est pas questionnée, elle reconduit l’ancienne « alliance  pour le progrès »  entre  les accapareurs  issus de la révolution et le « savoir calculer » des artilleurs polytechniciens industrieux. La proposition de Jacques Attali mériterait donc d’être largement débattue, non simplement pour la déconstruire, mais, pour la reconstruire par la reconnaissance du mouvement, encore inachevé , de la reconnaissance de la « propriété » comme puissance des choses sur nous. Plus avant, les contradictions internes du projet devraient être montrées, ainsi en matière d’éducation positive (1), il ne s’agit encore que de gommer  les « inégalités de départ » des individus et non de favoriser l’action collective des groupes sociaux  dominés, afin que, par eux même, ils apprennent à agir  sur les conditions inégales qui leur sont faites. Pour donner un exemple, dans les sociétés de l’information,  toute entreprise devrait avoir une obligation d’éducation permanente, dont l’objectif serait de mettre à disposition des « concernés » les outils leur permettant  d’agir en vue de modifier les conditions sociales qui leur sont faites. On ne patauge pas dans la gadoue toute sa vie par simple destin personnel. Aussi, tout manœuvre « éco cantonnier » concerné par une opération de "mise à l’emploi solidaire" pour l’entretien des ripisylves, devrait au-delà d’une première journée de travail rémunérée et consacrée à la consolidation des savoir de base, disposer d’une seconde journée de travail rémunérée consacrée à une formation, de  très haute qualité, à l’écologie fondamentale.Nous avons les pédagogies adaptées et nous pouvons aider tout un chacun à comprendre les mécanismes de l’action de notre système nerveux dans son environnement, et notamment celui de la satisfaction par la dominance, ce qui permettrait d'en finir avec la reproduction du règne « des petits chefs » et la militarisation du travail. Mais, la grande question de l’élite n’est-elle pas, de rendre compatible l’organisation hiérarchique des sociétés, avec la survie de l’espèce ?

(1) "Une éducation positive
 Une éducation positive met en capacité les nouvelles générations, libère des inégalités et permet d’accéder à un emploi. L’altruisme s’exprime ici envers les jeunes générations en leur permettant de définir leur projet de vie, y croire et le vivre indépendamment des inégalités de départ"
(Rapport sur l’économie positive, p.217)

jeudi 13 février 2014

Paul Jorion et la chambre de Ames.

Paul Jorion et la chambre de Ames.

Dans la suite de la publication, sur son blog, de Un déjeuner sur l'herbe  Paul publie, sans me demander mon avis et sous un  titre qu’il ne comprend pas, une note privée initialement destinée à Michel Leis.  En évoquant Adelbert Ames, je faisais référence à l’auteur de l’illusion d’optique connue sous le nom de « chambre de Ames », et non à un vague sénateur « carpetbagger »,  comme la référence wikipédiesque ajoutée par Paul invite à le croire.

L’idée sous-jacente était d’évoquer la nature structurale de la corruption comme manifestation de la coexistence de deux lignes de pouvoir hiérarchique, à la manière dont la chambre de Ames engendre une distorsion perceptive en  composant deux échelles de référence parallèles.  Paul ayant redoublé ce coup en organisant un débat …  j’ai laissé tomber, car de fait, il nous a avoué être ces derniers temps « à la foire et au moulin ».



Je reviens sur cette anecdote parce que la revue Esprit présente un dossier sur la corruption et que Paul semble vouloir tenter un pas de côté sous la forme  d'un « Mea culpa », s’il reconnaît avoir sous-estimé le rôle de la corruption, c’est pour ajouter aussitôt  « J’avais tort parce que je n’avais vu chaque fois que la fraude interne à une entreprise isolée et je n’avais pas envisagé l’effet démultiplicateur de la collusion entre de multiples entreprises commettant la même fraude de concert. » . En substance, Jorion présente la corruption comme un facteur moral important, mais continue de croire que la corruption  ne relève pas des causes structurelles de la crise du capitalisme parce qu'il ne pense pas - d'un même mouvement - que le capitalisme est un système de domination et que "la corruption" est effet de la structure hiérarchique des sociétés comme mode de domination. Dans cette perspective, à mon avis, le pouvoir des 1% n’a pas d’envers et donc, le 99%,  pas d'avenir.


De façon tout à fait paradoxale avec ses propres supposés Paul Jorion conclu: « Des escrocs nous ont pris en otage. Ils sont intouchables. Que pouvons-nous faire ? »

L'affaire est à suivre; je reviendrai, ultérieurement,  peut être, la position d'observateur adoptée par Paul Jorion dans le dispositif de l'illusion de Ames.

mercredi 27 novembre 2013

Un déjeuner sur l'herbe avec Paul Jorion


Un déjeuner sur l'herbe

À l'occasion du séminaire Ordre national et désordre international : havres fiscaux, shadow banking, mafias, donné dans le cadre de la chaire, Stewardship of Finance , Vrije Universiteit Brussel, 18 novembre 2013, l'anthropologue Paul Jorion analyse la prohibition et le rôle des mafias dans l'économie des paradis fiscaux (1). L'explication de ces deux faits sociaux est bien construite et prestement avancée. D'un côté, certains traits de la nature humaine sont caractérisés comme « necessary evils » et de l'autre, ramassés dans d'une coquille de noix percutante, les mafias et l'État sont présentés comme deux modalités, juxtaposées, de défense et d'accaparement de la propriété. La sécurisation des propriétés contre rançon, ayant lieu lorsque l’État est défaillant ou ne mobilise pas assez de ressources pour maintenir la police, la justice, les prisons. P. Jorion constate en outre que nos sociétés n'ont pas de prise sur ces « maux nécessaires », puisque la prohibition engendre, mécaniquement, les zones noires par lesquelles ces besoins seront satisfaits. Sans doute en raison d'un long séjour aux États-Unis, la vidéo de l'exposé nous montre l'emploi de l'expression « necessary evils » entourée de « quotes » gestuels, lesquels parient sur la perlaboration par son public, des dévoilements dont Stewardhip of finance est le lieu. De même, dans l'exposé, le Professeur joue de l'aveu d'une fausse naïveté, lorsqu'il déclare avoir compris, seulement récemment, que les décisions des plus hautes autorités en matière de politique financière pouvaient ne pas être animées par la raison, mais par les intérêts d'un groupe restreint, dont l'activité principale est de dissimuler que leurs décisions sacrifient l'intérêt général dans le but de maintenir leurs seuls avantages. Avec le recul des années, l'auteur de Principes des systèmes intelligents nous dévoile qu'il avance selon une stratégie de crédibilité, d'ailleurs parfaitement illustrée d'une barbe taillée avec le savoir-faire et l'acuité de l'esprit dont son propriétaire fait également preuve, lorsqu'il place son capital culturel, en apparence du côté de l'ordre, mais pour le dire plaisamment, à la façon d'un Manet peignant le Déjeuner sur l'herbe, de toute sa maîtrise et son aplomb, et avec la visée de faire « péter l'académisme ». 


L'usage de guillemets renvoie l'interlocuteur à sa propre définition du sens de « necessary evils », non pas que celui qui l'utilise en premier ne disposerait que d'une définition, peut-être encore approximative, mais parce qu'il sait déjà que l'accord sur cette définition n'est pas immédiatement partageable, et qu'il est préférable, par ce geste, d'indiquer que le premier intérêt est de ne pas s'y arrêter et de poursuive la discussion. Sur ce point, Paul Jorion sait qu'il nous laisse entièrement l'usage des armes qu'il nous a offertes. Ainsi, je ne trahirai pas sa pensée en écrivant la définition du mot « définition » selon la théorie de l'inconscient radical énoncée dans Principes des systèmes intelligents

Définition d'un mot dans un dictionnaire : opération idéologique ayant pour objectif de tailler, à la mesure des auteurs du dictionnaire, dans l'histoire des réseaux mnésiques auxquels son signifiant fut attaché.

Comment lis-je « necessary evils » dans la perspective de cette réflexion sur les paradis fiscaux ? Remarquons d'entrée la symétrie lexicale et soulignons que Paul Jorion « quote » l'entièreté du syntagme. Par ailleurs la prostitution et les drogues sont référentiellement désignées, ce qui, en quelque sorte, "substantifie" l'énoncé, sans pour autant le tirer hors de son paradoxe.
Paul Jorion n'a jamais fait mystère qu'il caresse le rêve d'une psychologie « hard », à la façon dont Freud écrivait "... le philtre Soma contient certainement l'intuition la plus importante, à savoir, que tous nos breuvages enivrants et nos alcaloïdes excitants ne sont que le substitut de la toxine unique, encore à rechercher, de la libido, que l'ivresse de l'amour produit."
Freud, Correspondance S. Freud K. Abraham, Lettre du 7 juin 1908,Gallimard, 1969, p.47.
Pour avancer dans cette direction, P. Jorion nous a offert la modélisation du fonctionnement du réseau mnésique, avec lequel chacun de nous formule des suites de sons en direction de ses congénères. Chaque petit d'homme apprend le lexique du groupe humain auquel il appartient, au fur et à mesure que s'organisent dans son cerveau l'équilibration des affects par lesquels lui sont transmis les usages de chaque mot. Ainsi se constitue, en chacun de nous, le réseau mnésique qui lui est propre, et qu'il transmettra à son tour, enrichi, parfois, de nouveaux chaînages réussis, parce que poussés au jour par l'idiosyncrasie de sa dynamique affective, tout en ayant la pertinence, ou la chance, de rencontrer le sentiment général du groupe ou d'une partie du groupe, ou bien seront-ils refusés. Dans ce dernier cas, cette petite constellation d'affects voyageuse, se transmettra plus inconsciemment encore, à la succession, des générations, le plus souvent de sa lignée, jusqu'à sa réapparition. 

Ainsi Manet, au risque de réactions violentes, mobilise-t-il l'équilibre entre l'ocytocine et la dopamine de l'esthète - sur le plan hormonal nous sommes tous quelque peu androgynes - sur le tableau, des hommes en costumes et des femmes nues forcent assurément le trait, et ... le tableau fonctionne,  même avec Bourdieu, qui s'y identifiait.

P. Jorion semble nous dire que nous avons un problème avec le sexe et les substances illicites, ce qui correspond aux prénotions bibliques, mais n'en fait pas encore les concepts d'une science hard. Dans quelle direction avancer ? J'indique donc quelques-unes des cartes dont mon logiciel, sur ce thème, s'est au fil des années, comme se forme une pelote, peu à peu chargé : 

·   Un Pouvoir invisible, les mafias et la société démocratique XIX-XXIe Siècle, Jacques de Saint-Victor , Gallimard 2012
·  L'arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles , Jean de Maillard 2010, Gallimard
·  The Chemical muse : Drug Use and the Roots of Western Civilization, D. CA Hillman , New-York, 2008
·  Sociétés du crime : Un tour du monde des mafias, Clotilde Champeyrache, CNRS éditions, 2006
·  Drogue L' Autre Mondialisation, Jean Claude Grimal, Gallimard , 2000
·  Storming Heaven: LSD and The American Dream, par Jay Stevens, New York: Grove Press, 1987
·  The forbidden game, A Social History of Drugs. Brian Inglis (prix Pulitser) 1975
·  L'Inhibition de l'action, Henry Laborit Masson & Cie, 1979
·  Discours de la servitude volontaire, Etienne de la Boétie, 1549.

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La prohibition des drogues comme « necessary evils » est moderne et fut, d'entrée de jeu, une histoire d'impôt plutôt qu'une affaire de « moralisation » de ce qui serait un besoin de notre nature diabolique. La tâche de l'analyse politique de l'économie moderne est, aussi, de la dégager des pièges de son histoire, d'en monter les liens aux pactes scélérats, scellés depuis le 19e siècle, entre les groupes sociaux supérieurs et les basses associations de prédateurs appuyées sur leur clientèle complice et le silence du peuple. Plus ardu, ne devrions-nous pas, dès maintenant, penser, autant notre situation de « soldats » et agents de ce jeu de dupes, que nous cantonner aux  réciprocités fonctionnelles délictueuses de haut niveau entre les organisations de prédateurs de terrain et la bourgeoisie déviante?  Il est faux de soutenir que ce sont toujours "les gros" qui trichent et d'excuser ainsi je jeu des affects qui animent la débrouille "des petits". Par les drogues qui y circulent, par les images et les situations stimulant spécifiquement certains circuits hormonaux, les formes d'organisations sociales créent l'éthos qui leur conviennent et que tous nous partageons, si nous ne nous efforçons d'en dénoncer l'hypocrisie partout à tout niveau, ce qui est électoralement difficultueux, peut-être, mais nécessaire si nous voulons "contrer la Marine".

Parce qu'il est historiquement le premier des « démons modernes », j'emprunterai le chemin du tabac, lequel fut de bonne compagnie, avant d'être rendu diabolique par James II Stuart, afin d'être taxé. Plus récemment, et sur le modèle de la prohibition du tabac, la montée en puissance des paradis fiscaux (dans les années 70-80) a résulté de l'alliance initiale entre les bourgeoisies délinquantes et les mafias, parvenues au stade de développement, que nous pourrions étiqueté, - de l'hégémonie des drogues -, lequel fut construit en agissant, à l'abri et dans la continuation des pactes scélérats établis à Naples et à Palerme dans les premières années du 19e siècle, lors de la rupture du régime féodal. Selon des modalités, quelque peu différentes, une même création de pactes scélérats a résulté des modifications des structures sociales féodales, en France, en Chine, et au Japon ; les péripéties de l'alliance des bolcheviks et des vori v zakone, s'est soldée par leur retour en boomerang de la Kolima et l'alliance, connue sous le nom de « régime poutine », d'une partie d'entre eux avec les "chicago boys" et le meilleur des mauvais restes du KGB.
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Depuis l'antiquité, les drogues n'ont pas posé problème; en 2008, C.A Hillman (The Chemical muse) nous a montré, « horresco referens », que les textes classiques grecs et latins en sont bourrés (dans une génération de professeurs, les mauvaises manières de nos classiques (The maculate muse) (1) ne feront plus peur. La banalité de l'usage de substances ne requérait pas l'attention, au point que, paradoxalement, il ne nous reste que très peu de traces. Les galères n'étaient pas concevables sans l'opium (cf. Jean Marteille, Mémoire d'un galérien ...) et si la « cannebière » donne sur le vieux port, c'est que « les chanvres » ne donnent pas que de la corde.
Ramené des colonies espagnoles par Jean Nicot, et vanté par Nicolas Monardes « Joyful News out of the New Found World », l'herbe fut d'abord une médecine une « herba panacea », comme toute nouveauté, y compris le chocolat. Fumer ou en priser devint tout simplement « fashionable » chez les jeunes nobles. Aussi, le tabac fut-il englobé comme symbole dans la guerre sanglante (Cromwell ) entre les puritains protestants et les catholiques, notamment par la publication du célèbre pamphlet « Work for Chimney Sweepers" , auquel James II Stuart, lui-même, récemment accédé au trône, vint en ajouter, en publiant son « counterblast of tobacco ». Le tabac devient une affaire d'État, ce qui permit à James II, d'augmenter les taxes à l'import de -quatre mille pour cent - , d'un coup - ! (A faire rêver Bercy). A ce prix-là « smuggler » devient rentable.  Le paradigme est lancé, Colbert l'appliquera à son tour, et Molière s'en amuse dans l'ouverture de son Don Juan. Le problème de la régie des tabacs est toujours d'actualité.

Nous remarquerons qu'il s'agit de l'instauration d'une situation de double-bind politiquement instituée : la taxe n'est rentable que si les conditions de perpétuation du vice sont créées, la taxe se justifie par les réseaux illicites, et donc, selon la condition de Bateson - la seconde injonction doit être inconsciente- sans que le peuple puisse avoir conscience des mécanismes qui fabriquent l'oubli des mécanismes de perpétuation du « vice », refoulement auquel participerait le postulat « necessary evils », s'il n'était mis en doute par des guillemets.
Pour suivre.... James II, toujours à court d'argent, baisse les taxes pour augmenter la base de taxation de l'import, puis toujours plus fauché, cède la perception des taxes à Lord Mongomery, Mongomery s'en tire mieux que James et James rachète la charge aux frais de l'État ( en fait je ne sais pas comment il fait pour racheter, je présume qu'il met un banquier dans le coup et que ce dernier investit, derechef, dans « les tabacs de virginie ». De fait , et pour faire plus mondain, c'est suite aux aléas de l'import, en ses temps troublés, que nous devons aujourd'hui toute la subtile richesse des tabacs anglais saucés et « Navy Cut », - a national asset -

He lets me have good tobacco, and he does not
Sophisticate it with sack, lees, or oil
Nor washes it in muscadel and grains
Nor buries it in gravel, underground
Wrapped up in greasy leather, or piss'd clouts.

Jonson's Abel Drugger, Ben Johnshon, The Alchemist

La diffusion de la prohibition du tabac est assez curieuse, elle se répand comme une traînée de poudre - pour tout dire, je ne la comprends pas - Jean Tavernier raconte (1670), qu'en Iran, les marchands qui importent du tabac sont punis par du plomb fondu versé dans la gorge ; le Canton de Berne (Suisse) instaure une sorte de tribunal du tabac copié sur celui de l'inquisition. Ailleurs, on coupe le nez des priseurs , « knoute » les marchands de tabac, et si le Tzar coupe les têtes des Boyards, ce n'est pas de la prophylaxie, mais plutôt parce que leurs assemblées tabagiques sont prétexte à complots. Bref, ... le mystère demeure ... (pas tout à fait, mais il serait nécessaire de détailler les transformations de structure sociale concomitantes à l’arrivée du tabac).
Pour la suite de l'histoire du tabac, « le gris de l'oubli» pour le prolétaire, dans l'usine et à Verdun avec le quart de rouge avant l'assault, suffit à en éclairer l'enjeu. Le trafic de cigarette reste une source de revenus pour les routiers, les passeurs... L'histoire moderne du formidable lobby du tabac est bien connue, nous savons que des additifs  furent intentionnellement ajoutés aux tabac pour nous rendre dépendant, la nicotine seule n’étant, de fait,  que peu addictive - c'est dans la presse et devant la justice -, mais ces dernières années seulement. D'autres études font état de la montée programmée, comme du temps de Bogart et des « Laurens », de l'usage de la cigarette dans les strates en phase de tertiarisation, dans les sociétés d'économie émergentes. Nos sociétés marchandes génèrent les addictions dont elles ont besoin pour se construire et se maintenir, en agissant directement et massivement directement sur nos affects, sur quoi d'autre s'appuyer d'ailleurs? Les formes d'intoxication aux tabacs et aux alcools évoluent, tout comme les drogues de synthèse (des neuroleptiques au MDMA, etc.) remplacent le vieil opium et la coke. La nature des drogues modernes n'est pas la nature des drogues anciennes. Le tabac disparaîtra peut-être, mais l’organisation des intoxications marchandes entretiendra la généalogie des circuits sociaux, étagés, asseyant leur pouvoir sur l'exploitation programmée de nos circuits neuronaux.

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Il y a donc (c’est un raccourci), non pas « une nature humaine », intemporelle, ou lentement dérivante, comme Paul semble encore nous le laisser supposer, mais une - histoire humaine de la nature humaine - dont les derniers mouvements relativement à l'addiction quoique, à l'échelle des civilisations, similaires au déplacement des plaques tectoniques, sont très récents! Le plus sérieux est que nous sommes tout prêt de tomber dans le piège d'une stérilisation de la nature humaine transformée support de marchandises chimiques, destin auquel nous a déjà préparé la diffusion massive des drogues vulgaires. Les bases pharmacologiques du meilleur des mondes sont au point, nous avons des molécules pour tous nos affects, à commencer par ceux associés à nos stades terminaux, nous en connaissons les voies neurologiques et hormonales. Soyons assurés que les multinationales pharmaceutiques ne les ont pas rangées dans les cartons, comparés aux pharmaciens, les banquiers sont des rêveurs ...


( Il est remarquable que Bourdieu, sur les 740 pages de son Manet et la révolution symbolique, ne s’aperçoive pas de la présence d'un champignon au centre de la ligne de base du tableau ; respectabilité et  crédibilité, obligent à toute époque. 

Les affects ne sont pas de la poésie; dans le style de compréhension offert par le modèle de l'inconscient radical, les signifiants poétiques marquent extérieurement la mobilisation d'un substrat biochimique, à la fois très déterminant et très souple. Aussi, il s'agit, désormais, d'apprendre à mobiliser, de façon civilisée, nos transmetteurs biochimiques avec des mots et des gestes, plutôt que par la marchandisation de la psilocine de synthèse ; instituer la Philia par la « réflexion et l'inquiétude de la vertu face à la visée de la vie bonne dans la cité d'Aristote » - syntagme qui correspond à une stimulation agoniste dopamininergiques des récepteurs 5-HT2a du cortex frontal - sans que nous n’ayons préalablement remonté toute l'anamnèse de l'état de foutraque neurologique dans lequel nous ont noyés les conséquences de la conquête du Nouveau Monde, serait une perte de temps. Les gestes simples seront un chemin plus direct, comme d'activer nos compétences largement partagées à demander et à donner le chemin, car ce sont les plus répandues dans les quartiers et c'est avec les quartiers et les associations que ce savoir doit être construit. La convergence entre les drogues, les mafias, la finance, et les paradis fiscaux est bien plus profonde que la vignette du « trader junkie » que diffuse la TV des Zones; pour agir sur nos systèmes nerveux, nous avons aujourd'hui le choix entre les mots pour exprimer notre pharmacie interne ou un abonnement chez les pharmaciens et les dealers, puisque nécessairement l'hypocrisie ne fonctionne qu'en tandem, à la façon dont chœur chante l'envers de la crise, dans le théâtre grec (Jan Kott).

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Je retiens de l'ouvrage de Jacques de Saint-Victor que l'histoire moderne des drogues est une histoire économique mettant en jeu, dès le départ, les connivences avec la haute bourgeoisie, cette connivence permettant aux mafieux de base d'en développer largement le commerce en contrepartie d'autres services rendus à la haute délinquance romaine en gants blancs, à l'exemple, de la démocratie à clientèle (3) portée par la Démocratie chrétienne et réactivée par le berlusconisme. Ainsi, la montée en puissance des paradis fiscaux est due qu'à l'afflux massif de l'argent suite à la seconde génération des cartels, après que le savoir-faire des chimistes marseillais, antérieurement acquis du temps des "comptoirs de l'Inde" fut récupéré par l'Amérique latine. De fait, la mise au point des laveries sophistiquées n'était pas nécessaire aux vieilles classes aristocratiques et industrielles déviantes.  L'épaisseur des tapis londoniens comme, en temps de guerre, Zurichois, suffisaient à satisfaire la discrétion nécessaire au maintien de l'entre soi. Le temps manquait pour que le jaillissement du fric des nouveaux venus soit formé aux bonnes manières, aussi la machinerie fut mise en place pour effacer les traces des mauvaises, car il fallait bien que la haute bourgeoisie contrôlât, comme l'explique P.Jorion, un tant soit peu la réintroduction de l'argent dans le circuit.  Les fils de gangsters, furent policés (sic) dans les hautes écoles de commerces, placés par leurs parrains dans les hauts postes de multinationales, aussi, ne pouvaient-ils  que pousser "à toujours plus", et faire passer le mot d'ordre. L'objectif fut Moscou, Berlin ( achètes tout, tout, n'importe quoi, criait, le boss, Giovanni Tagliamento au téléphone, en novembre 1989 lors de la chute du mur )... Bruxelles... le Pirée avec les familles chinoises et le TAP, avec la famille azerbaïdjanaise. Il fallait bien que la part, un peu bêtasse, de la bourgeoisie postmoderne suive le mouvement, ainsi, des officines, offshore, elles aussi, lui promirent de gérer son pognon à du 15 et 20%, avant que de les « raquer ». L'épisode, est tout aussi valable pour le « bâtit subprime »; il y a des occasions à faire sur toute la ligne à L.A, en Espagne. Au Portugal, les fortunes de l'ex-colonie angolaise rachètent, paraît-il, tout ce qu'elles peuvent. Sous l'ancien régime, Les gabelloti de la Conca d'Oro commencèrent par gérer les domaines des aristocrates locaux, dont les plus malins parmi les plus doués étaient déjà des leurs, le double jeu commence tôt. Ainsi gérés, les domaines déclinaient au fur et à mesure que, sur tout le territoire, montait la ferme emprise des gabelloti. La révolution venue, ces pré mafieux mirent leurs hommes et leurs techniques violentes au service des révolutionnaires, tout en apprenant, des révolutionnaires éduqués,  les techniques de l’organisation cloisonnée et du secret, ces paysans furent très impressionnés. Puis, le régime de la démocratie bourgeoise établi, ils retournèrent à Rome pour proposer aux nouveaux maîtres, la continuation de leurs services en sous-main. Le pacte était scellé.

L'ouvrage de J. de Saint-Victor, s'il rappelle et montre la nécessité, pour les organisations mafieuses traditionnelles de disposer d'une large assise populaire, laisse entièrement de côté le rôle de la neo-soldatesque au service des bourgeoisies mafieuses, laquelle s'étend sur toute sa ligne de commandement, à la façon dont les associations de prédateurs bancaires s'emparent jusqu'à l'esprit de leurs guichetiers, ou lâchent tout une hiérarchie de fretin chargé de rabattre les économies des familles dans le piège des fonds de placement qu'ils savent, plus ou moins selon leur grade, pourris par construction. Je ne détaille pas le nécessaire décryptage de toutes les chaînes déviantes de l'arbre de la redistribution du budget de l'état. La haute administration déviante - à la française - (issue du centralisme Jacobin) ne pourrait fonctionner sans disposer d'une chaîne de relais à tous les étages, travaux publics, pantouflage et passe-droit. Je le dis tout net, les intellectuels ne devraient pas laisser ce terrain « aux chansonnettes de Marine lave plus blanc », laquelle, sans plus d'ambition, rassemble les équipes nécessaires pour se faire un peu de place sur le pont... la haute bourgeoisie délinquante saura sacrifier quelques autres de ses « faiblards » comme, les Tapies , les Dassault , les Wurtz, et autres Sarkozy (Pasqua fut derrière ); la Dame trouvera l'argent pour payer la promotion de son armée de pions et prendre des places, au risque de satisfaire les aigris de tout rang ( le ressentiment fut le moteur de la dynamique affective de l'expérience nationale socialiste, sait-on, au-delà des paroles, quels sentiments profonds nous animent en sous-main ?) en leur offrant d'être promus au service de la moralisation du système et, après s'être emparée d'un simulacre de - Stewardship of finance - laisser la "nature humaine" piocher dans le gâteau. Paul Jorion s'avance-t-il assez que pour faire échec à la Dame ?

(1) Ce passage débute à 47'.52''
(2) Obscene Language in Attic Comedy , Jeffrey Henderson, Oxford university press, 1991
(3) Expression de politologue pour désigner l'Italie la Grèce, la Belgique; le Japon ...